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Quelques mots de sympathie pour Lena

Lenaïck dans le rôle de Fulvio

Les années ont passé mais son sourire reste intact : entre la pochette de son premier disque en 1973 et son premier grand rôle au théâtre, trente ans plus tard, Lena semble toujours être le même. La même joie, la même fraîcheur, la même jeunesse se lisent sur son visage. Deux heures plus tard, la salle du théâtre Déjazet est debout pour acclamer l'avant-première de l'opéra-comique "La Pazzia Senile" (littéralement La folie du grand âge) inspiré de la Comedia dell'Arte. Les bravos vont pour le vieux Pantalon, la belle Doralice et toute la troupe dont ce mystérieux Fulvio, personnage étrange à multi-facettes, qui paraît à la fois trop mûr pour jouer les jeunes premiers et tellement innocent pour jouer les sages… Mais qui parmi le public se souvient que le contre-ténor qu'ils acclament fut aussi dans sa jeunesse l'interprète de chansons dont ils ont peut-être acheté les disques?


Lena n'est pas l'artiste le plus connu sur Bide et Musique, mais certainement l'un des plus talentueux. Sa discographie comporte au total neuf 45 tours, dont aucun titre n'a encore été pour le moment réédité en CD.

Son aventure commence au début des années 1970. Dix ans après le Petit Prince, les enfants-chanteurs semblent revenir à la mode, suite aux succès des Poppys, puis de Roméo, René Simard ou encore Robert Miras. Certains Français trouvent même cela très choquants de les faire chanter si jeunes. L'excellent documentaire montré en 1998 sur Canal + dans l'émission L'œil du cyclone témoigne de cet état d'esprit conservateur avec des arguments invoqués comme "Ils piquent le boulot des adultes !" ou encore "Non à l'exploitation du travail des enfants !"…

Certains de ces baby singers ne connaîtront qu'un succès éphémère, le temps d'un titre ou d'un album. Celui de Lena s'étale sur 8 ans, avec des hauts, des bas, et une certaine diversité dans sa discographie.

Sa carrière commence un peu par hasard en faisant la première partie de Sacha Distel lors d'un festival local, dans sa Bretagne natale. L'interprète du Scoubidou ne va pas hésiter en le faisant signer chez Epic où il est très vite pris en main par des paroliers confirmés (Gérard Gustin, Bob Mehdi). Dans la foulée sort (discrètement) son premier 45 tours, "Dis-moi que tu m'aimes", en 1973.

La musique n'est pas la première priorité dans la vie du jeune Lenaïck Gicquel. C'est à la suite de radios-crochets qu'il se fait remarquer. Chanter n'est pour lui qu'un plaisir, même s'il travaille dur sa voix entre deux cours. Doué pour les études, il a en effet deux ans d'avance et passera brillamment son bac à l'âge de 16 ans. C'est ainsi que le titre "un an de lycée", son deuxième 45 tours, peut surprendre car, normalement à 14 ans, on est plutôt au collège ! Cette précocité, elle lui sera d'ailleurs reprochée sur son single "Hey Lena !" qui fut interdit de diffusion sur certaines radios, tout simplement à cause du tableau noir qu'il dresse de la société (chômage, crise économique…). Ce qui peut paraître assez incroyable maintenant. Ce sont moins les thèmes abordés que son trop-jeune âge qui ont choqué : la France post-pompidolienne n'acceptait pas encore qu'un mineur puisse parler de "sujets sérieux"…

Lenaïck en 1976

Entre temps, le jeune Lenaïck a changé de maison de disques et est devenu Lena, un pseudonyme volontairement androgyne, mais qui lui est beaucoup plus familier. Aussi, on a voulu "débretonniser" son nom d'artiste. Passé chez AZ, il fait la rencontre déterminante de Jean-Claude Cosson, qui lui signe son premier succès d'envergure, Dis papa, téléphone-moi. Nous sommes alors en 1974. Le 45 tours se vend à plus de 120 000 exemplaires, et sera même traduit en allemand. Cependant, une curieuse coïncidence a troublé la sortie de ce titre : une semaine auparavant, Claude François sortait Le téléphone pleure, avec la jeune Frédérique ! Jean-Claude Cosson, qui nous a confié cette anecdote, pense qu'il y a dû y avoir une fuite entre les maisons de disques AZ et Flèche…
Les rapports parentaux sont un sujet récurrent chez les enfants-chanteurs. Tout comme Roméo, c'est sous l'aspect oedipien que ce thème est abordé : après l'absence du père, c'est la douceur de la mère qui est chantée sur son simple suivant (Pour ma mère). Mais cette absence n'est apparente que sur les disques : papa Gicquel, qui n'a pas de lien direct de parenté avec le célèbre présentateur du 13 heures de l'époque, veille au bon grain sur la carrière de son fils.

Mais Lena grandit et est déjà bachelier. Il n'a pour ainsi dire pas connu d'adolescence. Arrivé à l'âge adulte, les chanteurs précoces cherchent tous à casser leur image d'éternel enfant. Cette mutation est un exercice très difficile. On se souvient par exemple que Vanessa Paradis n'a brisé son image de Lolita qu'à partir du moment où elle a dévoilé son anatomie dans "Noces blanches"… Little Stevie a dû attendre presque une dizaine d'années pour devenir Stevie Wonder… définitivement. Lena, qui est n'est pas un enfant rebelle, choisit une méthode plus douce pour exprimer sa maturité  : il chante "L'enfant s'en va", sur l'air du célèbre Massachussets des Bee Gees. En face B, Lena succombe à la mode disco. Le chanteur yé-yé Billy Bridge lui compose le titre "Et dieu créa l'amour". L'expérience est peu concluante.

En 1976, Lena remporte le grand prix de la Rose d'or d'Antibes avec le titre "On s'aime le dimanche". Mais curieusement, cette reconnaissance marque le début de la fin. Lena en a assez de son étiquette d'enfant-chanteur et souhaite faire autre chose dans sa vie que de la musique. Son contrat avec AZ s'achève et il se consacre à ses études en langues étrangères.

Jean-Claude Cosson, qui sera plus connu en tant que producteur-compositeur de Pit & Rik puis des Coco Girls, compose en 1978 le titre "Des mots de sympathie". Il cherche un interprète, et pense à son ex-jeune protégé, qu'il réussit à convaincre. Le titre sort chez Philips et le succès est au-rendez-vous  : 250 000 exemplaires en seront vendus. Mais fidèle à ses principes, Lena préfère alors quitter le show-business par la grande porte, même si sa maison de disques fait tout pour le retenir. Elle n'obtiendra qu'un dernier disque au tirage limité, où Lena n'apparaît même pas sur la pochette. En face B, son chant du cygne a pour titre évocateur : "Mourir à 20 ans". L'enfant chanteur est mort, mais un autre homme est né

Adieu mon bébé chanteur, comme le disait si bien Chamfort… Bonjour l'artiste baroque ! Sa nouvelle voix, apparue sur ce dernier disque "Aime-moi", est désormais plus proche de Klaus Nomi que de Poppy ! Mais Lena refuse les comparaisons et préfère souligner son originalité. Après une dizaine d'années passées à l'Education nationale, en tant que professeur d'anglais et d'allemand, il remporte un nouveau prix en 1994 au Conservatoire, mais dans un tout autre genre : le baroque. Une nouvelle carrière s'offre à lui, dans les opéras et les œuvres lyriques. On espère que le succès sera à nouveau au rendez-vous.

* Lena est en vedette dans la pièce "La Pazzia Senile" au théâtre Déjazet, 41 Bld du Temple, Paris 3ème (métro : République) jusqu'au 9 août. Prolongations possibles. Du mardi au samedi à 20h30. Réservations au 01 48 87 52 55.

La Pazzia Senile : mis en scène par Carlo Bosso. Musique d'Adriano Biancheri. Textes de Carlo Boso et Xavier Legasa. Avec Lenaïck Gicquel, Xavier Legasa, Hélène Force, Francesca Congiu, Laurent Grauer (en alternance avec Jacques Gomez), Isabelle Dumont et Leonardo Loredo.

La discographie complète de Lena

A : Dis-moi que tu m'aimes
(Ann Grégory - Gérard Gustin)

B : Little Lady
(Jean Maghriche - Gérard Gustin)

Epic - Ref. EPC 1241 ©1973

A : Un an de lycée
(J. Broussolle - Gérard Gustin)

B : Je chante "une fleur entre les dents"
(Bob Mehdi - Cyril Assous)

Epic - Ref. EPC 1634 ©1973

A : Celle qui sera
(J. Broussolle - Gérard Nicaud)

B : Hey toutes les filles du monde
( P. Nicaud - G. Gustin)

Epic - Ref. EPC 1863 ©1973

A : Dis papa, téléphone moi
(J.C. Cosson / J.Y. Pacserszky / J. Baudlot)

B : Tu étais ma fiancée
(J.C. Cosson - J. Baudlot)

AZ Discodis - Réf. SG512 ©1974

A : Hey Léna !
(J.C. Cosson / J.Y. Pacserszky / J. Baudlot)

B : Pour ma mère
(J.C. Cosson - J. Baudlot)

(AZ Discodis - Réf. SG530 ©1975

A : L'enfant s'en va
(B.R.M. Gibb / Jacques Demarny)

B : Et Dieu créa l'amour
(Maxime Piolet - Billy Bridge)

AZ Discodis - Réf. SG576 ©1976

A : On s'aime le dimanche
(Jacques Demarny - P. Lemaître)

B : C'est toi que j'aime
(Jacques Demarny - P. Lemaître)

Decca - Réf. 86.555 ©1976

A : Des mots de sympathie
(Jean-Claude Cosson)

B : Faut-il mourir d'aimer?
(Catherine Desage - Francis Lai)

Philips - Réf. 6 172 194 ©1978

A : Aime-moi
(M. Rolland / M. Cywie - K.H. Schäfer)

B : Mourir à 20 ans
(Jean-Claude Cosson - J. Sala)

Philips - Réf. 6 010 280 ©1980