Les Crapauds
La nuit est limpide, L'étang est sans ride
Dans le ciel splendide, Luit le croissant d'or.
Orme, chêne ou tremble, Nul arbre ne tremble
Au loin le bois semble, Un géant qui dort
Chien ni loup ne quitte, Sa niche ou son gîte
Aucun bruit n'agite, La terre au repos
mon âme est sereine, À l'heure des sirènes
Qui, dans les troènes, Jouent de leurs pipeaux
Alors dans la vase, Ouvrant en extase
Leurs yeux de topaze, Chantent les crapauds
Ils disent "nous sommes, Haïs par les hommes
Nous troublons leur somme, De nos tristes chants
Pour nous point de fêtes, Dieu seul sur nos têtes
Sait qu'il nous fit bêtes, Et non point méchants
Notre peau terreuse, Se gonfle et se creuse
D'une bave affreuse, Nos flancs sont lavés.
Et l'enfant qui passe, Loin de nous s'efface
Et pâle, nous chasse, A coups de pavés.
Des saisons entières, dans les fondrières
Un trou sous les pierres, Est notre réduit
Le serpent en boule, Près de nous s'y roule
Quand il pleut en foule, Nous sortons la nuit.
Deux-tiers-chercheur.