hre mgbye Le 13/02/2020 à 17:09
    C'est marrant, alors que seules les paroles ont changé, combien la chanson y perd… là ça devient un disco lambda, enfilant les poncifs sur le mirage californien vus par un Gainsbourg bien peu inspiré, une chanson tout juste bonne à se secouer la couenne sur une piste de danse en pensant à autre chose… Chamfort a eu bien raison de refuser cette version, le nouveau texte lui donnant tout son intérêt et sa profondeur (et je ne dis pas seulement ça parce que ça cause d'un bateau qui coule !), mais il est par contre bien dommage qu'elle ne soit jamais ressortie intégralement des tiroirs, même en pirate, et que seul cet extrait ait survécu sur l'intégrale.

virgulio Le 31/03/2021 à 07:07
Se dire que des paroles de qualité peuvent dépendre de la mort d'un homme …

hug Le 05/05/2023 à 00:29
Hre : Je rajoute qu'en plus, à l'époque, Alain Chamfort, artiste méticuleux et sensible, approchait de la trentaine (Il avait 30 ans et quelques mois fin octobre / début novembre 1979 au moment où l'album "Poses" comprenant "Manureva" dont le single est sorti simultanément, est sorti) et qu'il souhaitait absolument ainsi se défaire du répertoire pour midinettes qu'il chantait au temps où il était produit par Flèche donc par Claude François qui ne correspondait plus à son âge. De fait, en 1979, Claude François était décédé depuis un an déjà, mais Alain Chamfort avait commencé à prendre ses distances avec ce dernier fin 1975 au moment de la sortie du 45 tours "Le temps qui court" auquel Claude François ne croyait pas du tout, dont le succès fut très mitigé à la sortie, ce qui a amené la rupture de contrat entre Alain Chamfort et Flèche.

En 1976, il signe un contrat chez CBS et sort un album transitoire "Mariage à l'essai" qui ne marche pas. Puis une première création musicale avec Gainsbourg a lieu en 1977 avec l'album "Rock'n'rose" et le single "Joujou à la casse" qui sont des flops, liés à un virage artistique à 180°. En 1979, c'est la mode disco. Alain Chamfort et Michel Pelay composent la musique de la chanson qui leur plaît instantanément. Elle est très belle et en plus bouge tout à fait pour que l'on danse dessus.

Chamfort fait de nouveau appel à Gainsbourg dans le but qu'il lui écrive un texte permettant à la chanson de faire un tube, tout en étant sérieuse, afin de lui donner une image plus adulte correspondant à son âge. Gainsbourg écrit ce "Adieu California" que Chamfort n'aime pas, notamment parce qu'il trouve que c'était devenu trop courant de parler de l'Amérique en chanson à l'époque (Le "So far away from L.A." de Nicolas Peyrac était sorti quatre ans plus tôt). Chez CBS, tout le monde est pour ce texte, et seul Alain Chamfort n'y croit pas. CBS s'obstine l'album "Poses" part en fabrication avec "Adieu California" dessus ainsi que le 45 tours comprenant "Adieu California" en face A.

Mais Alain Chamfort n'y croit toujours pas. Il retente le coup avec Serge Gainsbourg. Un soir, Serge Gainsbourg et Jane Birkin dînent avec le navigateur Eugène Riguidel, et ce dernier leur parle beaucoup de la disparition récente de son ami Alain Colas, sur son bateau "Manureva" lors de la première Route du Rhum 1978. Jane Birkin était d'ailleurs marraine du bateau pour cette course. En revenant du dîner, Serge Gainsbourg repense à ce nom "Manureva" et trouve ainsi le vers "Manu-Manureva" sur l'air de "Adieu California".

Il écrit le texte dans la nuit et une fois le texte final terminé, il appelle Alain Chamfort et lui lit le texte par téléphone. Alain Chamfort est d'abord gêné que le texte parle de quelqu'un récemment décédé. Mais Serge Gainsbourg le rassure sur ce point, en lui disant "C'est un hommage".

Finalement, Alain Chamfort qui est tout de même ému par la qualité poétique du texte de "Manureva" bien supérieure à celle d'"Adieu California" enregistre "Manureva" en octobre 1979, alors que le 33 tours "Poses" et le 45 tours "Adieu California" sont déjà pressés et prêts à être distribués en radios et en magasins. A la va-vite "Manureva" est gravé sur l'album et le 45 tours en lieu et place d'"Adieu California" dont la quasi totalité des exemplaires en 45 tours déjà pressés sont jetés. "Manureva" devient un tube relançant considérablement la carrière d'Alain Chamfort en lui donnant une image plus mûre tout en surfant sur la mode "disco" du moment. Et effectivement, "Adieu California" ne sortira jamais sauf en extrait sur cette intégrale de 2007 "Ce qui reste, c'est l'air".